Le travail, marque de l'homme

De Wikipatsh

C'est par le travail que l'homme doit se procurer le pain quotidien et contribuer au progrès continuel des sciences et de la technique, et surtout à l'élévation constante, culturelle et morale, de la société dans laquelle il vit en communauté avec ses frères.

Le mot "travail" désigne tout travail accompli par I'homme, quelles que soient les caractéristiques et les circonstances de ce travail, autrement dit toute activité humaine qui peut et qui doit être reconnue comme travail parmi la richesse des activités dont l'homme est capable et auxquelles il est prédisposé par sa nature même, en vertu de son caractère humain.

Fait à l'image, à la ressemblance de Dieu lui-même dans l'univers visible et établi dans celui-ci pour dominer la terre, I'homme est donc dès le commencement appelé au travail. Le travail est l'une des caractéristiques qui distinguent l'homme du reste des créatures dont l'activité, liée à la subsistance, ne peut être appelée travail; seul l'homme est capable de travail, seul l'homme l'accomplit et par le fait même remplit de son travail son existence sur la terre. Ainsi, le travail porte la marque particulière de l'homme et de l'humanité, la marque d'une personne qui agit dans une communauté de personnes; et cette marque détermine sa qualification intérieure, elle constitue en un certain sens sa nature même. [...]

Le travail au sens objectif : la technique

Ce caractère universel et multiple du processus par lequel l'homme "soumet la terre" éclaire bien le travail de l'homme, puisque la domination de l'homme sur la terre se réalise dans le travail et par le travail. Ainsi apparaît la signification du travail au sens objectif, qui trouve son expression selon les diverses époques de la culture et de la civilisation.

L'homme domine la terre déjà par le fait qu'il domestique les animaux, les élevant et tirant d'eux sa nourriture et les vêtements nécessaires, et par le fait qu'il peut extraire de la terre et de la mer diverses ressources naturelles.

Mais l'homme domine bien plus la terre lorsqu'il commence à la cultiver, puis lorsqu'il transforme ses produits pour les adapter à ses besoins. L'agriculture constitue ainsi un secteur primaire de l'activité économique; elle est, grâce au travail de l'homme, un facteur indispensable de la production. L'industrie à son tour consistera toujours à combiner les richesses de la terre -ressources brutes de la nature, produits de l'agriculture, ressources minières ou chimiques - et le travail de I'homme, son travail physique comme son travail intellectuel. Cela vaut aussi en un certain sens dans l secteur de ce qu'on appelle l'industrie de service, et dans celui de la recherche, pure ou appliquée.

Aujourd'hui, dans l'industrie et dans l'agriculture, l'activité de l'homme a cessé, dans de nombreux cas, d'être un travail surtout manuel parce que la fatigue des mains et des muscles est soulagée par l'emploi de machines et de mécanismes toujours plus perfectionnés. Dans I'industrie, mais aussi dans l'agriculture, nous sommes témoins des transformations rendues possibles par le développement graduel et continuel de la science et de la technique. Et cela, dans son ensemble, est devenu historiquement une cause de tournants importants dans la civilisation, depuis le début de "l'ère industrielle" jusqu'aux phases suivantes de développement grâce à de nouvelles techniques comme l'électronique ou, ces dernières années, les microprocesseurs. [...]

Le développement de l'industrie et des divers secteurs connexes, jusqu'aux technologies les plus modernes de l'électronique, spécialement dans le domaine de la miniaturisation, de l'informatique, de la télématique, etc., montre le rôle immense qu'assume justement, dans l'interaction du sujet et de l'objet du travail (au sens le plus large du mot), cette alliée du travail, engendrée par la pensée de l'homme, qu'est la technique. [...]

C'est un fait qu'en certains cas, cette alliée qu'est la technique peut aussi se transformer en quasi-adversaire de l'homme, par exemple lorsque la mécanisa-

tion du travail “supplante" l'homme en lui ôtant toute satisfaction personnelle,

et toute incitation à la créativité et à la responsabilité, lorsqu'elle supprime

l'emploi de nombreux travailleurs ou lorsque, par l'exaltation de la machine,

elle réduit I'homme à en être l'esclave. [...]

L'époque récente de l'histoire de l'humanité, et spécialement de certaines

sociétés, porte en soi une juste affirmation de la technique comme élément

fondamental de progrès économique; mais, en même temps, de cette affirma-

tion ont surgi et surgissent encore continuellement les questions essentielles

concernant le travail humain dans ses rapports avec son sujet qui est justement

l'homme. Ces questions contiennent un ensemble particulier d'éléments et de

tensions de caractère éthique et mêne éthico-social. Et c'est pourquoi elles

constituent un défi continuel pour de multiples institutions, pour les États et

les gouvernements, pour les systèmes et les organisations internationales; elles

constituent également un défi pour l'Eglise.

Jean-Paul II,

lettre encyclique Laborem exercens, le travail humain, 1981.